Ploc.
Ploc.
Ploc.
C’est le bruit que fait le sang de Kelly lorsqu’il s’écrase sur le bitume. Cela aurait pu être une goutte de pluie ou même une larme mais le liquide est d’un rouge profond. Les quelques gouttes sont entourées par deux mains tremblantes. La jeune fille est à terre, entourée de la terrible Chelsea et de toute sa troupe de caniches. Celle-ci ricane et tous ses esclaves se sentent obligés d’en faire autant. Et dire qu’elles sont censées être amies … Ce n’est pas la première fois que Kelly se fait frapper. Mais elle subit, sans rien dire, les larmes aux yeux. Elle garde sa haine au plus profond d’elle-même. Elle est sensible. Faible. Elle a besoin de Chelsea pour exister. Les coups importent peu. Les injures importent peu. Rien n’est important.
Après tout, ce n’est rien. Grâce à elle, elle est sortie du rang des «pommées », pour rejoindre les gens populaires. Elle sait bien que ce n’est qu’une façade. Elle est respectée parce qu’elle traîne avec Chelsea. On lui parle parce qu’elle est amie avec Chelsea. Il n’y en a que pour cette gamine pourrie-gâtée. En même temps, la reine du bahut, c’est elle. On comprend aisément pourquoi. Elle mène tout son petit monde à la baguette. Elle est riche. Et belle, en plus de ça ! De taille moyenne, de la poitrine. Elle a naturellement la classe. Alors que Kelly, elle, n’est pas déplaisante. Mais elle est trop grande, elle n’a pas assez de formes. Cependant, depuis qu’elle connaît Chelsea, elle a changé. Elle a troqué ses lunettes contre des lentilles, remplacé son appareil dentaire par un beau sourire et ses parents la laissent se maquiller. Elle est en quelque sorte devenue … Normale. Mais apparemment, cela ne suffit pas pour vivre une vie digne de ce nom. Elle n’était encore jamais sortie avec un mec. C’est une preuve, pour elle.
Soudain, elle sent ses bras lâcher et elle se retrouve le nez dans son propre sang. Elle sent également une chaussure, sur son dos. Le talon lui fait mal, il s’enfonce dans sa chair, provoquant un frisson de douleur. Il appartient certainement à Chelsea. Kelly ne bronche pas. Elle n’émet pas un bruit, ne laisse pas couler une seule larme. Depuis un moment c’est toujours comme ça à la sortie des cours. Elles s’éloignent du bahut, mine de rien. Puis la bande l’emmène dans une ruelle étroite. Et après, c’est sa fête. En parlant de fête, Kelly a commencé à être violentée au moment où Chelsea est allée à une teuf avec des gens pas très nets. Pas vraiment réglo. Kelly se doute bien qu’il y avait un rapport. Mais tout ce qui se passe en dehors du collège est tabou. C’est une des règles les plus importantes dans la bande. Ainsi personne n’est autorisé à parler de ce qui arrive à Kelly. Pas même elle. Et elle ne perdrait pour rien au monde sa place. Un mois, jour pour jour que cela dure. Mais Kelly se tait. Qu’est-ce que quelques coups ? Qu’est-ce que l’humiliation contre tout ce qu’elle obtient ? Au fond de son cœur, une infime partie d’elle voudrait se révolter. Elle sait que c’est mal. Mais elle fait toujours taire cette petite voix. Cette maudite voix n’est qu’un des innombrables obstacles qui se dressent sur son chemin. Le chemin qui mène à la gloire. Cette gloire qu’elle voit, qu’elle sent, qu’elle touche mais qu’elle n’a pas. Ce besoin, pressant, obsédant même. Il était sa vie.
